Qui n’a jamais éprouvé des difficultés pour prendre en photo un vitrail dans une église ? Qu’il s’agisse du point de vue, de la surexposition ou de l’atmosphère lumineuse, la photographie de verrières pose de nombreux problèmes aux spécialistes de même qu’aux visiteurs. Les journées d’études des 22 et 23 novembre 2019 intitulées Étudier les vitraux. Des pionniers du Corpus Vitrearum à l’inventaire du patrimoine le plus récent[1] organisées par le comité français du Corpus Vitrearum en collaboration avec le Centre André Chastel et l’Union académique internationale a été l’occasion de discuter des enjeux liés à la photographie de ce médium. Comme le souligne la fiche L’inventaire : Une nécessité du Ministère de la Culture et des Communications du Québec[2], il faut photographier les objets sous plusieurs angles et/ou faire une vidéo dans le meilleur des cas. Force est de constater que les photographies de vitraux sont de très mauvaise qualité et ne sont presque jamais fidèles à la réalité de l’œuvre in situ. Les postes de photographe professionnel sont supprimés des cellules patrimoines et le manque d’outils adaptés peuvent effrayer les chargés d’inventaire. Pour autant, il existe des solutions pour pallier toutes ces difficultés et c’est ce que nous allons voir dans cet article.

IMG_20210319_105207 Verrière de Mario Merola (né en 1931) et Pierre Osterrath (né en 1939) réalisée en 1978 pour la station Charlevoix du métro de Montréal.

1. Trois photographies dans des conditions climatiques adaptées à partir de points de vue cohérents.

Tout d’abord, quelques éléments doivent être présentés avant de prendre en photo un vitrail. Généralement, trois photographies sont nécessaires pour réellement appréhender une verrière : une vue générale de la face interne, une vue rapprochée de la face interne et une vue rapprochée de la face externe. Lors de la prise de la photographie générale, c’est-à-dire du contexte dans lequel se trouve la verrière, il est normal de ne pas obtenir une photographie d’aussi bonne qualité que dans le cas d’une photographie de la vue rapprochée de la face interne. En effet, du fait des problèmes liés à la surexposition, il est préférable de faire le focus sur la verrière afin de ne pas avoir des couleurs délavées. Certes, il est possible d’effectuer des retouches. Néanmoins, il est nécessaire d’avoir des compétences en la matière et cela n’empêche pas des variations voire un écart sensible avec la « réalité » de l’oeuvre.

Ensuite, les conditions climatiques sont importantes. Nous sommes tentés de penser qu’une journée ensoleillée est le temps idéal pour la photographie de vitraux. Cependant, les couleurs sont pâles lorsque le soleil brille. S’il y a un grillage de protection, l’appareil photo le fera apparaître et ce même s’il n’est pas visible à l’œil nu. Pour autant, le climat québécois nécessite la pose d’un verre de protection ce qui rend presque impossible la probabilité de trouver un tel dispositif de protection. Lorsque le soleil commence à décliner et que la luminosité baisse, les couleurs évoluent et dans certains cas les bleus deviennent des violets, ce que l’on peut constater aisément avec les verres-écrans de Marcelle Ferron (1924-2001) à la station Champ-de-Mars du métro de Montréal. Par conséquent, un temps nuageux, c’est-à-dire avec une épaisse couche de nuages, est le plus favorable pour capturer une verrière dans toute sa réalité.

Enfin, certaines verrières sont inaccessibles et nécessitent soit l’accès à un point de vue privilégié, dans certaines églises le triforium ou les tribunes, soit l’usage d’un drone avec caméra. Cette deuxième proposition peut paraître assez effrayante du fait d’un coût conséquent. Quoi qu’il en soit, les services du Centre de conservation du Québec ne disposent pas d’un tel outil[3]. Il semblerait que les photographies in situ sont prises lors des restaurations des verrières tandis que les photos en studio sont réalisées par des photographes professionnels. Dans tous les cas, lorsque la verrière est plus haute que le niveau du sol, il ne faut pas prendre une photo trop près de cette dernière étant donné que cela risque d’avoir des vitraux déformés. Il faut favoriser un positionnement plus ou moins distant du vitrail. Si on prend une photographie de loin avec un appareil photo, un objectif est primordial afin de ne pas endommager la qualité de l’image.

IMG_20210311_111558 Verrière de la présentation de Marie au Temple par Delphis-Adolphe Beaulieu (1849-1928) réalisé en 1908 pour la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours de Montréal.

2. La prise de photo du vitrail : moyens techniques et connaissances pratiques.

Arrivé à l’étape réelle de la prise de photo, il faut avoir en tête une information pratique de premier ordre : le vitrail est à contre-jour. Même si l’église est sombre, il ne faut pas régler son appareil photo ou son téléphone cellulaire pour une exposition photo sombre d’intérieur mais plutôt pour une exposition lumineuse d’extérieur. En ce qui concerne l’appareil photo, l’utilisation d’un trépied est possible mais pas indispensable.

Si on choisit d’utiliser un appareil photo, il faut prendre en compte la sensibilité ISO, le programme, la mesure de lumière et l’autofocus :

La sensibilité ISO, ce qui mesure la sensibilité à la lumière des pellicules et des capteurs numériques, devra être entre 100 et 200 lorsqu’il fait soleil et 400 et 800 lorsque le temps est nuageux.

Le programme P avec une mémorisation d’exposition est l’idéal. Il règle automatiquement la vitesse d’obturation et l’ouverture pour une exposition optimale.

Le programme manuel est parfait lorsque les vitraux sont dans une ambiance lumineuse homogène. Grâce au manuel, vous pouvez bloquer vos paramètres favoris et une adaptation pour chaque vitrail n’est pas obligatoire étant donné qu’ils ont la même exposition lumineuse.

• De manière générale, il s’agit d’une mesure globale avec une mémorisation d’exposition comme indiquée avec le programme P. Toutefois, lorsqu’il n’est pas possible de mesurer directement sur le vitrail du fait d’une distance trop large, il faudra utiliser une mesure spot.

Pour la mise au point, ne pas hésiter à rester en autofocus.

Si on choisit d’utiliser un téléphone cellulaire, il faut prendre en compte le nombre de mégapixels, les modes proposés et les paramètres liés à la caméra :

Les mégapixels Les mégapixels représentent la résolution avec laquelle capteur du smartphone réalise ses clichés. En matière d’unités de mesure, un mégapixel correspond à un million de pixels. En revanche, il faut aussi prendre en compte la qualité du pixel, c’est-à-dire la taille de chaque pixel. Sur des petits objectifs, comme pour les cellulaires, il faut plutôt privilégier de grands pixels que des petits en plus grands nombre. S’il n’y a pas assez de lumière, certains fabricants de téléphone offrent la possibilité de remplacer le capteur photo par un plus grand.

Les modes proposés comme le HDR (high dynamic range ou haute plage dynamique), le mode portrait, le mode carré, le mode panoramique ou encore le mode ralenti et accéléré sont autant de nouvelles possibilités qu’offrent nos cellulaires intelligents. Pour prendre des photos de vitraux, il faut comparer la fonction haute plage dynamique qui consiste à prendre plusieurs photos simultanées d’une scène identique mais exposées différemment et la fonction de base afin de vérifier ce qui est le mieux en fonction de l’environnement et du contexte.

Les paramètres liés à la caméra seront vos meilleurs outils dans cette quête de la photo parfaite d’un vitrail. En fonction du cellulaire, de nombreuses fonctionnalités sont offertes : mise au point, cadrage et composition, gestion de la lumière ou encore zoom. Pour ce qui est de la prise de photos de vitraux, la gestion de la lumière et les quadrillages sont plus qu’intéressants. Si vous n’êtes pas à l’aise avec la gestion de la lumière, restez en mode automatique. Pour ce qui est de l’effet quadrillé, il vous aidera à avoir une photo droite ce qui facilitera vos modifications par logiciel si nécessaire.

3. Un traitement nécessaire a posteriori en fonction du point de vue.

Même si ce tutoriel a pour but de simplifier la prise de photo des vitraux, le passage à un logiciel de traitement peut être nécessaire dans certaines situations. En effet, n’oublions pas qu’il s’agit de vitraux. Du fait de sa position et du point de vue du spectateur, l’artiste a, dans certains cas, compensé l’effet de perspective en intégrant une déformation à son dessin. Cette anamorphose n’est pas seulement propre aux verrières, on la retrouve dans de nombreux tableaux d’église. Au-delà de cette problématique, la verrière n’est que très rarement accessible au spectateur. L’utilisation d’un logiciel de traitement permettra aussi de corriger les éventuelles déformations. Lorsque les proportions de la longueur et de la largeur du vitrail sont connues, il faudra les prendre en considération lors de la correction. En ce sens, des logiciels libres de droits comme Gimp sont des références. À partir de cet outil, il suffit d’ouvrir une photo dans le logiciel, de cliquer sur outils puis perspective. À cette étape, il faut bien vérifier que l’option correction en arrière est sélectionnée. Ensuite, il faudra cliquer sur guide puis nombre de ligne afin de pouvoir obtenir un quadrillage lors de la correction de la perspective de l’image. Maintenant, vous pouvez cliquer directement sur l’image pour faire apparaître les quadrillages et réadapter l’image en fonction du point de vue initial. La règle est simple : toujours respecter l’horizontal. Somme toute, l’utilisation d’une image de haute qualité est plus que nécessaire étant donné que les pixels sont transformés lors de ce recadrage.

IMG_20210311_120507 Face externe de l’un des vitraux civils de la salle de la mer du belvédère de la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours de Montréal.

Maintenant que vous avez toutes les clés pour prendre en photo des verrières et pour les recadrer, il ne vous reste plus qu’à sortir dans les églises et dans les lieux de patrimoine du Québec possédant du vitrail !

Pour la rédaction de ce tutoriel, je tiens à remercier le webmaster du site https://www.patrimoine-histoire.fr/, véritable référence pour la photographie des verrières en France, ainsi que Jacques Beardsell, photographe de l’atelier de documentation photographique et imagerie scientifique du Centre de conservation du Québec, pour ses renseignements précieux sur les conditions d’une photographie dans le milieu institutionnel.

## Références et notes

[1] Centre André Chastel, « Étudier les vitraux. Des pionniers du Corpus Vitrearum à l’inventaire du patrimoine le plus récent », Centre André Chastel. Laboratoire de recherche en histoire de l’art, 2019, http:// www.centrechastel.paris-sorbonne.fr/actualites/etudier-les-vitraux-des-pionniers-du-corpus-vitrearum-linventaire-du-patrimoine-le-plus

[2] Ministère de la Culture et des Communications, « L’inventaire : une nécessité », Centre de conservation Québec, consulté le 18 mars 2021, https://www.ccq.gouv.qc.ca/index.php?id=125

[3] Courriel du Centre de conservation du Québec en date du 22 mars 2021 au sujet des photographies de vitraux par les services du Ministère de la Culture et des Communications.