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De la Piratebox à la MuséoBox, un outil low-tech d’interaction entre musées et publics.

Introduction

La Muséobox est un projet de valorisation des collections et des expositions muséales, et créateur de lien social entre les visiteurs·teuses[1] de musée et avec les structures elles-mêmes. Ce dispositif s’inscrit dans une dynamique d’ouverture et de mise en accessibilité, tant du contenu muséal que le projet lui-même, pour les musées et les publics. En mobilisant des outils et un fonctionnement minimal, cette application low-tech est conçue pour être à la portée de tous les musées, quels que soient leurs moyens financiers ou l’expertise numérique des équipes. La Muséobox est ainsi une solution de médiation intuitive et polyvalente, offrant une réelle proximité entre les musées, leurs contenus et leurs visiteurs·teuses. Étant associée à la culture hacker, la Muséobox est un concept permettant de transformer l’espace traditionnel du musée en un espace social libre. Effectivement, elle offre la possibilité de diffuser des contenus dans un serveur local et légitime la transmission d’informations qui souvent par souci de droit d’auteur ne peuvent pas être diffusées librement sur Internet, puisque le dispositif n’octroie pas aux visiteurs·teuses la permission de modifier ni de télécharger les contenus, mais autorise leur consultation intra muros. La Muséobox est d’autant plus un outil subversif considérant qu’elle permet une mise en contact directe et inédite entre l’institution, ces spécialistes (médiateurs·trices, conservateurs·trices, commissaires d’exposition, etc.) et ces publics. En d’autres mots, la Muséobox se présente comme un levier pour les institutions muséales et ouvre la voie à des utilisations infinies.

Mots clés : MuséoBox, PirateBox, low-tech, solution minimale, médiation numérique, musée social

Sommaire

  1. Description du projet
    1. La genèse de la MuséoBox : la PirateBox
    2. Le fonctionnement : conception et caractéristiques techniques
    3. L’interface graphique
  2. Le rôle social, une force au coeur des institutions ? Quels outils, quels enjeux ?
    1. Un musée 2.0 ? Du Web social au musée social
    2. Ouverture de l’expression et accessibilité des données : valoriser les contenus muséaux
    3. De l’inclusivité des publics à l’équité entre musées
  3. Conclusion
  4. Notes et références

Description du projet

La genèse de la MuséoBox : la PirateBox

La MuséoBox est un projet que nous proposons qui s’appuie sur la déclinaison de la PirateBox inventée en 2011 par David Darts. Il s’agit d’un dispositif qui permet le dépôt et l’échange de fichiers ainsi que la discussion dans un serveur local tout en restant anonyme. La PirateBox est constituée d’un petit ordinateur contenant un routeur pour permettre une connexion en Wi-Fi. Associé à cela s’ajoute ensuite un espace de stockage qui peut être dans le cas d’un petit dispositif une clé USB. Dans l’éventualité d’un dispositif nécessitant un plus grand espace de stockage, il est possible d’utiliser un disque dur externe, mais cela nécessite alors une alimentation supplémentaire [2]. Il faut ensuite configurer la box en y installant un micrologiciel téléchargeable via le site de la PirateBox afin d’avoir la base nécessaire pour que cette dernière soit fonctionnelle [3]. Il est ensuite possible de personnaliser l’ensemble selon ces préférences et surtout selon le contenu que l’on souhaite partager. L’ensemble réuni permet d’obtenir un petit boîtier, généralement portable, avec un accès à un serveur local PirateBox. Les individus qui se trouvent près de la box peuvent ainsi détecter le signal Wi-Fi de cette dernière et s’y connecter sans avoir à entrer un mot de passe. Une fois connecté·e·s, ils·elles se trouvent sur une page prédéterminée contenant un accès au dépôt de fichiers et généralement un espace de clavardage pour discuter avec les autres utilisateurs·trices. Pour en connaître davantage sur la PirateBox, nous vous invitons à consulter l’article associé sur le site Museadon, La PirateBox : une solution low-tech pour un échange numérique plus libre ? [4].

Des déclinaisons nombreuses de ce concept furent inventées et adoptées pour des utilisations diverses et variées telles que la LibraryBox créée par Jason Griffey pour le partage de ressources bibliothécaires [5]. Dans la même lignée, le projet de MuséoBox que nous proposons constitue un fork (fourche [6]), l’approche technique étant similaire à la base du modèle existant et s’inscrit dans la continuité de l’idée de partage de contenus, partage des savoirs disponibles pour tous·tes.

Ainsi, dans un souci de respect du projet initial, la licence de la MuséoBox est la même que pour la PirateBox c’est-à-dire « Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0) ». Cela suppose qu’il est possible de partager, copier et redistribuer ce concept sur le support de son choix et également de l’adapter. Cependant, il est nécessaire d’utiliser la même licence que celle employée par le projet et d’y insérer le crédit. L’emploi de cette licence permet donc de réutiliser et de s’approprier le logiciel, sans pour autant risquer que le fonctionnement ne soit modifié ou altéré, ce qui garantit une sécurité d’utilisation. Pour plus d’informations sur les termes d’utilisation, consultez le site Web Creative Communs.

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Fig. 1. Prototype d’une MuséoBox

Le fonctionnement : conception et caractéristiques techniques

En quoi résulte le concept de la MuséoBox ?

Nous avons choisi de nommer notre proposition MuséoBox afin de signifier la déclinaison du projet existant en concevant le terme « box » provenant de la PirateBox. Le terme « Muséo », abréviation du mot muséologie, semblait cohérent pour signifier le musée. En ce qui a trait au logo, nous avons littéralement repris l’idée de la « boîte » et nous y avons tout simplement ajouté une image schématique d’un musée – le logo se présente de la sorte telle une synthèse graphique du projet (voir Fig. 1).

De manière similaire à la PirateBox, la MuséoBox se compose d’un boîtier spécifique, dont l’ensemble devra être monté par les institutions en suivant le guide (à paraître). Puis, il suffit de télécharger le logiciel de la MuséoBox (à paraître), et enfin de configurer la box avec les contenus de son choix. Ce boîtier une fois installé dans l’endroit convenu, caché du regard des publics permet ainsi la connexion Wi-Fi par les utilisateurs·trices. Une fois connectés·es, l’entrée dans la MuséoBox se fait sans mot de passe. Cependant, afin de pouvoir discuter sur le système de discussions instantanées, un pseudonyme est demandé. Si l’utilisateur·trice ne souhaite pas indiquer son nom ou un pseudo, il sera par défaut indiqué comme anonyme. (voir Fig. 2). Aucun renseignement personnel n’est ainsi requis. Cette synthétisation de la création d’un compte permet d’éviter une première barrière à l’utilisation de la Muséobox au moment de la connexion. Alors connecté·e à la MuséoBox, l’utilisateur·trice trouve sur le côté de manière significative, un menu composé de thématiques correspondant à des canaux de discussions présentés à la manière de différents serveurs (voir Fig. 3).

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Fig. 2. Maquette pour mobile d’un canal de discussion relatif à une collection du Musée McCord

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Fig. 3. Maquette pour mobile du menu pour le Musée McCord

Afin d’encourager le·la visiteur·euse à se connecter à la box et à participer aux discussions dès son arrivée au sein de l’institution, il·elle pourra découvrir des cartels explicatifs affichant des QR codes, qui renvoient à la MuséoBox (voir Fig. 4). Tout au long de son parcours au sein des expositions temporaires et permanentes, le·la visiteur·teuse est invité·e à prendre part à des débats relatifs aux objets exposés par le biais de questions associées à des QR codes. Lorsqu’ils sont scannés, les codes permettent un accès direct vers le canal de discussion référent. Ces forums thématiques se présentent comme des espaces d’échange entre l’institution – par l’entremise de méditeurs·trices –, et les publics autour des collections, des expositions et possiblement d’enjeux d’actualité.

Cependant, il n’est pas obligatoire de passer par les QR codes pour accéder à la MuséoBox et ce, pour des raisons techniques. Les QR codes sont ainsi accompagnés de leur lien d’origine afin de permettre l’accès à la discussion aux utilisateurs·trices ayant des téléphones mobiles ne les lisant pas. Également, si un·e utilisateur·trice souhaite parcourir la MuséoBox depuis un autre endroit du musée, il·elle peut de cette façon accéder aux canaux de discussion et participer aux conversations en tout temps. Tel un dispositif de médiation portatif, ce système de clavardage est donc un moyen de discuter avec l’institution même et de voir un·e intervenant·e échanger avec les utilisateurs·trices presque instantanément.

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Fig. 4. Maquette de cartel composé d’un QR code et d’une question se rapportant à un objet de la collection du Musée McCord

Une fois connecté·e·s à la MuséoBox, les utilisateurs·trices ont le privilège d’accéder aux contenus supplémentaires déposés sur la box par l’institution d’accueil (voir Fig. 5). Cependant, ces contenus sont disponibles uniquement à des fins de consultations. En effet, le projet MuséoBox prend exemple sur la LibraryBox, modèle qui s’approche le plus de ce que nous proposons, dont le partage est régulé. Cette fonctionnalité de la MuséoBox permet également de se positionner au niveau des droits d’auteur et conserve les données du musée en son sein. Les divers fichiers (archives, œuvres, etc.) restent dès lors sous la surveillance et la juridiction du musée tout en permettant leur partage. En effet, il n’est pas possible de modifier ni de télécharger les contenus présents sur la box afin d’éviter des dérives telles que l’apport de logiciels malveillants dans le système dans le but d’assurer un certain degré minimal de protection des données des institutions. En ce sens, nous pensons que cette limitation est préférable pour les institutions muséales pour qui le partage de contenus s’avère encore sensible à ce jour ou qui sont limitées par des questions de droits.

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Fig. 5. Maquette pour mobile du menu pour accéder aux contenus supplémentaires

L’interface graphique

Dans la continuité de l’esprit low-tech du projet, l’interface graphique de la MuséoBox se veut neutre, minimale et intuitive afin qu’elle soit facile d’utilisation par les publics et aisément appropriable par les institutions. Corollairement, le design de la MuséoBox est librement inspiré d’autres logiciels de discussions instantanées populaires tels que Messenger et Slack. Le modèle comprend – un menu latéral permettant de naviguer sans difficulté entre les canaux de discussion, des fils de discussions instantanées affichant l’heure des interactions, une option proposant de réagir aux messages au moyen d’émoticons, une boîte de rédaction, une barre offrant la possibilité d’inscrire un pseudonyme, ainsi qu’un bouton renvoyant aux contenus supplémentaires (voir Fig. 6). Aussi, comme la majorité des sites Web actuels, l’affichage de la MuséoBox est responsive (réactif [7]), son utilisation est donc adaptée aux téléphones intelligents, aux tablettes électroniques de même qu’aux ordinateurs (voir Fig. 5 et 6).

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Fig. 6. Maquette pour tablette et ordinateur de l’interface graphique de la MuséoBox du Musée McCord

Tel que mentionné plus tôt, le modèle est adaptable, ceci implique qu’il est possible d’ajouter son logo, de modifier les couleurs et la typographie afin d’accorder l’interface de sa box à la charte graphique de son institution. Seul, le logo MuséoBox reste présent dans l’interface finale de la box. Le logiciel permet également de créer les canaux de discussion désirés en fonction de ses collections et expositions et de joindre les contenus complémentaires de son choix. Par exemple, le Musée McCord de Montréal, qui est un musée d’histoire, pourrait emprunter les titres de ses collections – art documentaire ; costume, mode, textiles ; cultures autochtones ; culture matérielle ; photographie ; archives – pour nommer les canaux de discussion de sa box. Riche de sa documentation numérique, le Musée McCord pourrait aussi rendre accessible sur sa MuséoBox des photographies, des références bibliographiques, ses audioguides et plus encore, dans la perspective de proposer une expérience enrichie in situ à ses visiteurs·teuses (voir Fig.6).

Le rôle social, une force au coeur des institutions ? Quels outils, quels enjeux ?

Le projet de la Muséobox, dans sa substance et son contenu, permet de croiser la muséologie et le numérique contemporain, au travers d’enjeux communs, comme celui de l’ouverture des données et de l’appropriation des outils par de nouveaux·elles utilisateurs·trices. La question de l’espace social et de l’interaction est au cœur des réflexions contemporaines de ces deux champs, dans la volonté de pérenniser l’idéologie initiale du web social ou web 2.0 [8].

Un musée 2.0 ? Du Web social au musée social

En effet, dans les années 1970, un tournant majeur dans l’appréhension du monde muséal s’est fait avec l’apparition de la critique réflexive sur les musées, son rôle et son impact dans la société et l’élaboration de la discipline de la muséologie. Ce nouveau rôle des musées est orienté vers une fonction sociale et communautaire, au détriment des collections qui ne sont plus au cœur de ces institutions. Le musée d’aujourd’hui est un musée de société [9], qui se doit d’être ouvert, accessible, interactif et inclusif, notamment par le biais de la médiation et l’apport des réseaux socionumériques. Il doit être au service de la société et son développement. Les données et informations sur les objets y sont davantage accessibles et ouvertes aux publics [10]. Le projet de la Muséobox propose d’adapter les contenus scientifiques du musée à cette idéologie, rendant le contenu informatif ouvert et fluide, propice à l’échange et à l’interaction, en lien avec la place nouvelle des activités et des missions sociales, médiatrices et éducatives. Le projet cherche ainsi à porter un esprit collaboratif entre les publics et les musées.

Le lieu d’échange numérique que crée la MuséoBox s’apparente donc à un espace social au sein du musée. Nous sommes aujourd’hui entourés de contenus socionumériques et notamment de plateformes telles que Facebook, YouTube ou encore Instagram qui sont des applications d’Internet. Ces contenus socionumériques, portent le poids d’une accusation massive concernant la surveillance de masse et s’avèrent opaques concernant l’utilisation des données des utilisateurs·trices [11]. Ces aspects ne coïncident plus avec l’idée de base d’Internet d’en faire une plateforme de libre échange et de discussion avec ce qui sera nommé par Tim O’Reilly, le « Web social ou Web 2.0 » [12]. Ainsi, avec la MuséoBox, nous cherchons à développer des réseaux qui soient sûrs d’utilisation et dont les données ne sont pas utilisées à des fins de surveillance.

Le système de clavardage instantané employé dans le cadre de la Muséobox permet en ce sens des échanges ouverts à tous·tes visiteurs·teuses de musée souhaitant s’exprimer ou s’informer sur une thématique particulière. Sa structure garantit également le respect de la discrétion de l’expression de chacun·e. De fait, si les canaux de discussion de la box sont ouverts, leur accès est toutefois exclusivement réservé et limité à l’enceinte du musée, délimitant ce lieu comme un espace d’échange libre et serein. Les conversations ne sont pas archivées, ce qui garantit une intimité dans les discussions des internautes puisque les messages sont disponibles 24 heures et s’effacent ensuite automatiquement.

Ce mode de fonctionnement offre un espace de discussion unique destiné à donner davantage l’envie aux publics de discuter de thématiques muséologiques entre eux·elles, entre passionné·e·s. Cela permet également de créer une unicité de l’expérience spécifique au musée, exclusive, éphémère et renouvelable uniquement lorsque le·la visiteur·teuse reviendra dans le musée. C’est cette expérience spécifique que le·la visiteur·teuse viendra chercher permettant de s’extraire des réseaux sociaux et d’Internet pour y trouver de l’information spécialisée et sélectionnée. L’intention étant de créer un sentiment de chasse au trésor, de toucher une intimité plus proche de l’institution qu’il n’est possible de trouver que sur place. Également, se partage se fait entre les passionné·e·s qui sont au musée et qui se connectent à la box offrant un point de rencontre intéressant pour créer des liens sociaux avec d’autres visiteurs·teuses passionné·e·s. Presque à la manière d’un Tinder des musées, il s’agit de reprendre l’idéologie des « #muséogeeks » [13] d’une socialisation à but créatif et collaboratif passant par le dialogue.

Ouverture de l’expression et accessibilité des données : valoriser les contenus muséaux

Comme nous l’avons évoqué plus tôt, le concept de MuséoBox s’inscrit dans les logiques d’ouverture et de partage intrinsèques au Web. D’abord, parce qu’elle mobilise une licence ouverte permettant à toute institution ou internaute de s’approprier et de réutiliser le modèle, mais aussi car, en plus de créer un espace de clavardage, la MuséoBox donne accès à des contenus complémentaires. Il peut s’agir de documents tels que des livres à consulter ou bien des listes de références bibliographiques, des documents d’archives tels que des photographies des expositions permanentes pour voir leur évolution dans le temps, des informations supplémentaires sur un objet spécifique, ou encore une période historique en particulier. Peuvent également se trouver, des informations sur les dernières expositions, les ateliers éducatifs proposés par le musée, les futurs événements et les prochaines publications de catalogues par exemple. Pour renforcer les supports explicatifs, l’ajout de fichiers audio sous forme de balado ou encore d’audioguide est également possible (voir Fig. 7). Si vous êtes à la recherche d’un modèle d’audioguide low-tech, nous vous conseillons de vous référer à l’article Le modèle d’audioguide statique pour musée de l’ACMI LABS [14].

En soi, les contenus supplémentaires sont modulables et peuvent être inspirés des contenus déjà disponibles sur le site Web de l’institution. La fonctionnalité de consultation de la MuséoBox est en somme un outil de médiation numérique versatile qui permet de fournir aux utilisateurs·trices des contenus complémentaires aux expositions et aux activités éducatives muséales.

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Fig. 7. Maquette pour mobile de l’interface graphique de contenus supplémentaires audio

Le dialogue mit en place via ce dispositif d’interaction « en direct » avec une personne référente du musée ou d’autres utilisateurs·trices permet d’autant plus d’ouvrir des discussions et des réflexions sur des aspects inédits des expositions et des artefacts. Ce type de dialogue est ainsi bénéfique pour les visiteurs·teuses et également pour les musées, qui créent une proximité avec leurs publics. Cela peut encourager la participation des amateurs·trices, leur implication dans la structure muséale et dans sa réflexivité. Ceci peut aussi contribuer à créer des actions participatives à l’instar d’une sorte d’écomusée du web et favoriser le sentiment d’appartenance à la communauté muséale (voir Fig. 8).

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Fig. 8. Maquette de l’interface graphique pour tablette ou ordinateur d’un canal de discussion de la MuséoBox du Musée McCord

De l’inclusivité des publics à l’équité entre musées

La Muséobox permet de pousser les caractéristiques muséales sociales au maximum de leur potentiel, tout en proposant une mise en place accessible pour les institutions considérant que la question financière est souvent au cœur des enjeux culturels. Effectivement, notre projet est conçu dans une optique inclusive autant en ce qui concerne l’interaction entre les musées et les publics et les visiteurs·teuses entre eux·elles. Aussi, il s’agit de s’ancrer dans un point de vue égalitaire quant aux différents types d’institutions, petites, moyennes et grandes, par lequel il pourra être employé. Comme il a été précédemment mentionné, le système de la MuséoBox est issu du fonctionnement de la PirateBox, dispositif technologique peu coûteux à l’achat et à l’exploitation. Le système de connexion via un réseau local de la PirateBox permet d’apporter une connexion à un réseau Wi-Fi à des endroits qui disposent de difficulté de réseau ou qui n’en disposent pas.

De plus, le guide qui est projeté d’être diffusé rendra accessible, à quelconque institution, la possibilité de mettre sur pied sa propre box. La pré-constitution du logiciel permet en effet au musée de n’avoir qu’à configurer l’interface graphique à sa guise et ajouter ses contenus. Quelques connaissances de base en informatique et en programmation s’avèrent toutefois utiles. Finalement, étant un projet low-tech la MuséoBox semble être une solution à la portée de toute institution, peu importe la taille et la géolocalisation, et s’inscrit de la sorte dans le dessein muséologique tendant vers l’accessibilité, l’inclusivité et l’égalité.

Conclusion

La communication est le cœur de notre projet qui permet son animation et son souffle. Ainsi, nous cherchons avec notre concept de MuséoBox à nous insérer dans la continuité de l’ouverture du musée pour ses publics à des fins de médiation. Cet outil s’insère dans une politique de mise en commun des savoirs et de partage via la collaboration. Les différentes fonctionnalités constituant notre projet répondent aux objectifs qui ont motivé sa conception : ouverture des données, interactivité et proximité entre les visiteurs·teuses et le musée. L’objectif de créer un lien de proximité est agencé par l’option du clavardage instantané, entre le personnel du musée et les visiteurs·teuses. L’obtention d’informations inédites et adaptées aux attentes de chaque utilisateur·trice accroît l’interactivité et propose une expérience quasi personnalisée de la visite au musée.

La conception low-tech de notre outil lui permet d’être accessible à toutes typologies de musée, élargissant la caractéristique de mise en accessibilité de la Muséobox tant aux bénéficiaires qu’aux utilisateurs·trices. Son très faible coût d’installation et d’entretien garantit la pérennité de son utilisation par les institutions. La simplicité de son fonctionnement leur permettra de toujours pouvoir en renouveler le contenu, s’assurant de son attractivité contenue.

Nous partons du principe que les publics sont acteurs·trices du musée, de ce qu’ils·elles y voient et que leur avis a une importance. L’utilisation de la MuséoBox pourrait permettre, de plus, d’attirer de plus amples publics, voire des « non-publics », dans les musées et ainsi accroître leur impact social.

Les limites du projet

Bien que notre projet nous paraisse être une solution minimale pratique, il contient tout de même des limites. En effet, le choix d’utilisation de ce type de concept nécessite de pouvoir maintenir le logiciel d’utilisation et de fonctionnement de la box. Également, il s’agit de comprendre l’étendue des possibilités de la MuséoBox et de déployer les ressources nécessaires, qui sont variables d’un musée à l’autre (que ce soit au niveau des financements et du soutien technique). C’est-à-dire, de savoir si une personne en poste est déjà suffisamment qualifiée à l’utilisation de technologie numérique, cela dépendant du financement et subventions des institutions. Le fait que le projet soit entièrement modulable peut possiblement limiter la capacité de réalisation de certains musées qui ne sauront pas forcément comment configurer le modèle afin qu’il soit à la fois pratique et à la fois représentatif de leur institution. De plus, le système de clavardage nécessite une personne qui communique au titre de l’institution (un community manager ou gestionnaire de communauté des réseaux socionumériques) afin de répondre aux questions posées par les visiteurs·teuses [15], et ce de manière continue durant les heures d’ouverture. Si notre projet n’est pas financièrement coûteux, il peut se révéler chronophage pour les institutions composées de petites équipes. En effet, ces activités sont assez nouvelles dans le milieu muséal professionnel : on voit depuis environ les 5 dernières années de plus en plus de postes se créer autour de ces dispositifs, mais ce n’est pas encore acquis dans toutes les institutions [16]. Ce sont principalement les grandes institutions (Louvre ou encore Château de Versailles [17]) qui comptent aujourd’hui dans leurs équipes du personnel spécialisé. Toutefois, nous avons pu remarquer que la pandémie a accru ces pratiques online pour pallier aux contextes particuliers des musées, opérant à un glissement des professions de la médiation et de l’animation vers le numérique par l’emploi de ce type d’outil [18]. Le logiciel téléchargeable à installer sur la box associé à son guide simplifiera toutefois grandement la nécessité d’expertise de l’équipe du musée bénéficiaire. Pour pousser notre concept encore plus loin, nous pourrions constituer une équipe d’ambassadeurs·drices de notre logiciel, qui aurait pour mission de donner une formation aux institutions bénéficiaires du système afin de leur en assurer une utilisation optimale, si elles le souhaitent.

Il faut également, prendre en compte, que la non-participation de certain·e·s visiteurs·teuses aux projets socionumériques développés par les institutions muséales est inévitable, Or, rappelons-nous que la non-participation répond aussi à une forme de participation et qu’il appartient aux musées de l’étudier et d’en comprendre les raisons. À cet égard, notre projet souhaite simplement s’insérer comme une invitation à l’utilisation d’un autre type de système de médiation s’inscrivant à l’intersection de l’idéologie de l’ouverture des musées et des technologies minimales. Nous espérons, de telle sorte, que notre projet pourra être un point de départ vers d’autres initiatives combinant les domaines du Web et de la muséologie. Ou encore que celui-ci, à long terme, ouvre la voie à la création d’un sous-réseau complètement muséale par interconnexion de MuséoBox qui soit non rattaché aux géants du Web.

Comment mettre en oeuvre le projet ?

Finalement, dans une vision plus large, nous posons la question de sa réalisation. Afin de pouvoir mettre en œuvre le projet, nous aurions besoin de pouvoir créer un guide de construction et de configuration annexe, de concevoir le micrologiciel et trouver des partenaires et du financement. Cela permettrait la réalisation d’un prototype pour tester notre concept au sein d’une institution. Ces différents aspects sont actuellement une barrière que nous souhaitons lever. Nous lançons, de par notre article, ainsi un appel à collaboration aux différent·e·s acteurs·trices du domaine muséal et informatique. Que vous soyez une institution, un·e connaisseur·euse de low-tech, un·e geek ou hacker intéressé·e par la muséologie numérique et que vous souhaitez nous aider à concevoir sa réalisation, nous vous invitons à nous contacter !

Notes et références

[1] Considérant la portée politique des mots, des procédés de rédaction inclusive sont employés dans cet article afin d’assurer l’équilibre de la représentation de la diversité de genre. Institut national de la recherche scientifique, Inclusivement vôtres ! Guide de rédaction inclusive, 2021. En ligne. < https://inrs.ca/wp-content/uploads/2021/03/Guide-redaction-inclusive-inrs-vf.pdf >. Consulté le 1er avril 2021.

[2] DARTS, David, « PirateBox », dans DAVID DARTS. En ligne. < https://daviddarts.com/piratebox >. Consulté le 5 avril 2021.

[3] PirateBox, « PirateBox source ». En ligne. < https://piratebox.cc/source >. Consulté le 5 avril 2021.

[4] MIQUET, Alissia, « La PirateBox : une solution low-tech pour un échange numérique plus libre ? », dans Museadon, 12 mars 2021. En ligne. < http://www.museadon.ca/2021/03/12/LaPirateBox.html >.

[5] GRIFFEY, Jason, « LibraryBox », dans The LibraryBox Project, 2012. En ligne. < http://jasongriffey.net/librarybox/index.php >. Consulté le 5 avril 2021.

[6] Dans le domaine de l’informatique un fork ou une fourche désigne un « logiciel développé en réutilisant le code source d’un logiciel existan ». Tiré de Office québécois de la langue française, « Fiche terminologique – fourche », 2012. En ligne. < http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26529122 >. Consulté le 12 avril 2021.

[7] « Site Web dont l’affichage s’adapte dynamiquement à différentes tailles d’écrans de terminaux grâce à des solutions techniques qui partent d’une version unique du code Web. ». Tiré de Office québécois de la langue française, « Fiche terminologique – site Web réactif », 2012. En ligne. < http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26519892>. Consulté le 12 avril 2021.

[8] REBILLARD, Franck, « Du Web 2.0 au Web2 : fortunes et infortunes des discours d’accompagnement des réseaux socionumériques », dans Hermès, La Revue, n° 59, 2011, pp. 25-30. En ligne. < https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-1-page-25.htm >. Consulté le 13 avril 2021.

[9] GOB, André, « Le Mouseion d’Epictétaé, Considérations sur la polysémie du mot musée », dans Les Cahiers de muséologie, 2016, 15 p.

[10] LANDRY, Anik et Bernard SCHIELE, « L’impermanence des musées », dans Communication & langages, vol. 1, no 175, 2013, pp. 27-46.

[11] The Guardian, Edward Snowden interview part I - NSA whistleblower Edward Snowden : ‘I don’t want to live in a society that does these sort of things’, 9 juillet 2013, 12 min. 34 s. En ligne. < https://www.youtube.com/watch?v=0hLjuVyIIrs&t=119s >. Consulté le 15 avril 2021. & The Guardian, Edward Snowden interview part II : ‘The US government will say I aided our enemies » - NSA whistleblower’, 9 juillet 2013, 7 min. 6 s. En ligne. < https://www.youtube.com/watch?v=Q_qdnyEqCPk >. Consulté le 15 avril 2021.

[12] REBILLARD, Franck, op. cit.

[13] « Les #museogeeks (de muséo, préfixe évoquant le musée et -geeks, suffixe qui fait référence à l’intérêt pour le numérique et les TICE), forment une communauté informelle qui s’est agrégée en France autour de l’été 2011, après de nombreux échanges entre des divers acteurs du numérique au musée […] ». Tiré de MARGO, Sébastien, « Qui sont les #museogeeks ? », dans Sébastien Magro, 18 juillet, 2016. En ligne. < https://blog.sebastienmagro.net/2013/04/15/qui-sont-les-museogeeks/ >. Consulté le 15 avril 2021.

[14] LEBLANC-CARREAU, Maéli, « Le modèle d’audioguide statique pour musée de l’ACMI LABS », dans Museadon, 10 mars 2021. En ligne. < http://www.museadon.ca/2021/03/10/ACMILABS-static-museum-audioguide.html >. Consulté le 15 avril 2021.

[15] COUILLARD, Noémie, « Les politiques culturelles numériques : repenser la place des nouvelles technologies dans le patrimoine », dans Les Enjeux de l’information et de la communication, 20 décembre 2019. En ligne. < https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2019/supplement-a/01-les-politiques-culturelles-numeriques-repenser-la-place-des-nouvelles-technologies-dans-le-patrimoine/ >. Consulté le 15 avril 2021.

[16] MAGRO, Sébastien, « De l’usage des réseaux socio-numériques comme supports d’une médiation culturelle en ligne », dans La lettre de l’OCIM, n° 162, novembre-décembre 2015, pp. 37-40. En ligne. < https://journals.openedition.org/ocim/1593 >. Consulté le 16 avril 2021.

[17] Voir l’organigramme du Château de Versailles < https://www.chateauversailles.fr/etablissement-public#direction-delegations-de-signature > et celui du Louvre < https://www.louvre.fr/l-etablissement-public/gouvernance >.

[18] POIRIER-VANNIER, Estelle, « Ressources virtuelles développées par les musées pendant la pandémie de COVID-19 », Programmes d’études supérieures en muséologie, Université du Québec à Montréal, juin 2020. En ligne. < https://museologie.uqam.ca/wp-content/uploads/2020/06/Ressources-virtuelles_musees.pdf >. Consulté le 16 avril 2021.