C’est peu dire que la présente pandémie de Covid-19 a grandement affecté les musées. Outre les conséquences financières importantes, la fermeture forcée des musées durant plusieurs mois a aussi mis un frein complet sur tous leurs projets en cours et en devenir. La Maison LePailleur, un petit musée régional à Châteauguay, s’est toutefois démarquée tandis que ses activités se sont carrément multipliées durant la pandémie. Faute de pouvoir ouvrir ses portes au public, le petit musée s’est tourné vers le développement de son contenu numérique pour se redonner une visibilité.

Comme l’explique Vicky Laprade, responsable de la recherche et de la documentation : « Pour rester visible, il fallait offrir un contenu web ». La stratégie de l’équipe de la Maison LePailleur fut donc de miser complètement sur du contenu numérique avec les outils qu’elle avait déjà à sa disposition. Laprade admet elle-même ne pas être « la plus à l’aise avec la technologie ». L’équipe a donc priorisé des plateformes connues et un contenu simple, mais diversifié. Cela commença avec la page Facebook du musée, où les membres de l’équipe ont multiplié le nombre de rubriques thématiques. Par exemple, la responsable de la médiation et du développement des publics, Sabrina Gaudreault-Drouin, se charge depuis quelques semaines de rédiger les « chroniques trucs de grand-mère LePailleur » qui explique différentes astuces d’antan. Ann-Émilie Lacerte, guide-interprète pour le musée, et Vicky Laprade se chargent aussi de la série « Les historien.nes discutent » où chaque mois, elle questionne un ou une experte sur un sujet thématique. Plusieurs vidéos sont aussi régulièrement publiées sur la chaîne YouTube du musée. Les sujets sont divers : de l’histoire de l’arbre de Noël jusqu’aux contes et légendes du Québec.

Cependant, ce sont les conférences en ligne organisées par Vicky Laprade qui semblent être les plus populaires. En entrevue, elle explique que c’était un projet qu’elle voulait faire depuis quelques années, mais qu’il a toujours été mis de côté par manque de temps. Avec la pandémie, le projet a toutefois pu être relancé officiellement durant le mois d’octobre 2020.

Se redonner une présence en ligne

L’intention de ces conférences est de faire rayonner le musée du point de vue scientifique et historique, tout en donnant une opportunité aux jeunes historiennes de faire rayonner leurs recherches. La totalité des chercheuses invitées est ainsi encore en pleine étude de maîtrise ou de doctorat. Selon Laprade, c’est un choix conscient. En effet, via ces conférences, elle vise aussi à donner une occasion de se bâtir de l’expérience de communication à des historiennes de la relève.

Les conférences se portent exclusivement sur Zoom et sont distribuées en direct sur la page Facebook du musée. D’une durée d’environ 1 heure, une historienne est invitée à faire part du sujet de son choix. À cet effet, le musée a accueilli plusieurs conférencières à l’expertise variée : de la peste Antonine (avec Magalie Laguë Maltais), aux soldates de l’Armée rouge soviétique (Amélie Barsalou), jusqu’à des sujets plus locaux comme les arpenteurs du Bas-Canada (Jérémie L. St-Louis) ou la période de Noël dans le Canada français (Ann-Émilie Lacerte).

Pourquoi avoir choisi exclusivement la plateforme Zoom ? Laprade explique ainsi qu’avec la pandémie, la majorité des gens se sont familiarisés avec cette application. En effet, si Zoom avait quelques 600 000 téléchargements quelques jours avant la pandémie , son taux d’utilisation à exploser pour devenir la cinquième application la plus téléchargée en 2020, juste derrière Instagram . De plus, grâce à la licence étudiante de plusieurs employées du musée, Zoom devient entièrement gratuit à l’utilisation. De fait, le choix semblait évident. Et avec la page Facebook qui a vu une augmentation drastique de sa visibilité depuis les débuts de la pandémie, il était assuré qu’elle soit utilisée comme plateforme de diffusion. Finalement, organiser les conférences représente très peu de coûts pour le musée : outre le salaire de base de l’employée assignée à la logistique technique des conférences et un cachet de base aux invités, la Maison LePailleur ne dépense pas plus que nécessaire pour offrir à son public du contenu historique.

« Si on cherche une vingtaine de personnes en direct, on est contente », déclare Laprade. À cet effet, ce sont vraiment les rediffusions qui sont populaires en cumulant chacune plusieurs centaines de vues. Ou encore, plus de 1 700 vues comme dans le cas de la conférence sur la période de Noël dans le Canada français de l’historienne Ann-Émilie Lacerte. L’équipe du musée note aussi une augmentation drastique de la visibilité de la Maison LePailleur depuis la diffusion des conférences. Accueillant autant les passionnés, les historiens amateurs que des académiciens, les conférences ont su s’attirer un public nouveau et stable. La diffusion a elle aussi des conséquences bien surprenantes tandis que la page du musée a vu une nette augmentation de ces visiteurs âgés de 18 à 35 ans, un fait étonnant considérant la désertion de cette catégorie d’âge dans certains musées régionaux . Outre les amateurs d’histoire de la région de Montréal et de Châteauguay, ce sont aussi plusieurs groupes de recherches et centres historiques qui se sont intéressés au projet de Laprade. Ainsi, certaines des conférencières se sont fait offrir des contrats ou d’autre occasion de présenter leurs recherches, grâce aux rediffusions des conférences sur la page Facebook

Pour l’instant, il n’y a pas de plans pour ajouter plus de conférences par mois ou les mettre sur d’autres plateformes. L’équipe de la Maison LePailleur, cependant, est plus que satisfaite des résultats de ces conférences et planifie de les continuer au-delà de la pandémie. Le contexte présentement ne permet pas d’en faire l’évaluation, la Maison LePailleur étant encore à la merci des présentes mesures sanitaires gouvernementales, mais il sera intéressant de voir comment la nouvelle visibilité du musée sur le web a permis d’augmenter son taux de fréquentation en présentiel. À cet effet, il est certain que ce virage numérique a des effets positifs sur la réputation du musée.